Saviez-vous qu’il existe près de 120 000 variétés de riz dans le monde ? Dans le delta du Rhône, les riziculteurs de Camargue en font pousser environ 60 sortes différentes. Indispensable à la biodiversité de la région, cette culture du riz de Camargue mérite d’être connue et valorisée. Suivez-moi à la rencontre de ces « éleveurs de riz » et à la découverte de cette céréale atypique qui nécessite beaucoup d’eau et de soleil.
Du riz en Camargue
Invitée par le syndicat des Riziculteurs de France, ma visite a débuté par la Maison du riz (Mas de la Vigne, Chemin de Figares, 13123 Albaron), créée en 2015 par Jacques Rozière, vous saurez tout sur l’histoire du riz de Camargue et le travail des acteurs de la filière. En voici un bref extrait.
L’histoire du riz
Le delta du Rhône, autrefois remplit de moustiques et de malaria, n’était pas un lieu d’habitation prisé. La première ère agricole se passe au 16ème siècle avec l’élevage des moutons mérinos. Les bergers construisaient leurs maisons sur les bosses pour rester au sec. Puis vint la construction des premières digues pour lutter contre les crues dévastatrices qui permirent aux agriculteurs de se protéger des inondations. Les plaines de Camargue se remplirent alors de vignes. Mais l’endiguement entraina une importante salinisation des sols (jusqu’alors lavés par les crues).
En 1593, Henri IV initie les premières rizières en Camargue sous les conseils de son ministre Sully. Il tente également de la culture du coton (mais le mistral emporte le coton) et de la canne à sucre mais sans succès.
Après la 2ème guerre mondiale, la surface rizicole augmente jusqu’à atteindre 30 000 hectares en 1975. Le premier label rouge est d’ailleurs créé à cette époque. Aujourd’hui, le riz de Camargue se distingue par une IGP (Indication Géographique Protégée).
Obtenue en juin 2000, l’IGP Riz de Camargue est un label de qualité qui permet la protection de l’appellation « Riz de Camargue » dans l’ensemble de l’union européenne. Cette distinction récompense les riziculteurs dans leur travail de sauvegarde de la biodiversité et de production d’un riz de qualité. Les riz doivent respecter un cahier des charges strict et rigoureux.
L’importance de la riziculture
La riziculture devient vite indispensable à la Camargue et aide la lutte contre le sel. Elle permet d’adoucir les sols de ce terroir d’exception, en déversant près de 500 millions de m3 d’eau douce (provenant du Rhône) sur les terres. Cet apport préserve la biodiversité en faisant baisser la salinité des sols cultivés. Les riziculteurs font aussi une alternance avec des cultures de blé dur, pommes de terre ou autres cultures maraîchères.
Les différentes variétés de riz
Il existe deux variétés principales de riz : le riz africain (Oryza glaberrima) et le riz asiatique (Oryza sativa) qui est soit de type Indica soit de type Japonica. Les riz de Camargue proviennent en grande partie du type Japonica.
Il y aurait plus de 200 variétés cultivables en Camargue. Aujourd’hui, 30 à 60 variétés sont cultivées : du riz rond (pour les desserts ou les paëllas), du riz mi-long (pour les risottos), du riz long, très long (naturellement parfumé), rouge ou noir.
Le riz récolté en septembre-octobre, sous sa forme la plus brute est un riz paddy ou cargo (position 4 sur l’image). En passant dans une décortiqueuse, entre un plateau de pierre et un plateau de caoutchouc, le grain est séparé de son écorce, la « balle ». On obtient un riz complet (position 3 sur l’image). Pour les blanchir, les grains sont frottés contre un cône de pierre afin de retirer la fine pellicule de son qui l’entoure (une sorte de farine grasse). Sortent de la machine, des grains blanchis (position 2) et des brisures (position 1). Les paquets de riz de Camargue IGP ne contiennent quasiment pas de brisures. En revanche, les riz non certifiés peuvent en contenir : comme les brisures cuisent en 5 min et le riz en 10 min, le riz final sera collant à cause de la sur-cuisson des brisures.
Les français consomment en moyenne 4,5 kg de riz par personne par an (ainsi que 8 kg de pâtes et 20 kg de pommes de terre). Un Birman consomme 200 kg de riz par an.
Les différentes étapes d’une culture de riz de Camargue
Préparation des terres
La culture du riz commence en hiver, sur des terres sèches. Celles-ci sont labourées et nivelées (mise à plat) à l’aide d’un laser et d’une lame. Le nivellement parfait des terres est indispensable pour faciliter la gestion de l’eau sur les cultures. Le lit de semence est ensuite enrichi en azote, acide phosphorique et potasse.
Au printemps, des rigoles sont creusées sur les parcelles. La création de cette ondulation permet à l’eau de mieux circuler sur les cultures.
Préparation du grain
Mi-avril à mi-mai, les sacs de grains de riz sont trempés 48 h dans l’eau afin de débuter le processus de germination. Egouttés, les sacs sèchent et fermentent pour améliorer la pousse du grain. De grosses pompes sont alors actionnées (500 litres / secondes) pour remplir les rizières de 30 cm d’eau : 20 cm dans la terre, 10 cm d’eau à la surface.
Le riz sera semé fin avril début mai. C’est à peu près à ce moment-là que l’on observe l’intrusion des flamants roses : trouvant de moins en moins de crevettes et d’algues dans les salins, les flamants roses se nourrissent des grains de riz semés. Les riziculteurs parcourent alors les champs pour les effaroucher (aucun animal n’est tué bien sûr mais il faut simplement les empêcher de se poser – sinon ils détruisent littéralement la culture).
La pousse du riz
Muni de sa pelle l’aiguadier, ou eygadier dans sa forme provençale, va surveiller la pousse du riz et le niveau d’eau dans les parcelles pendant les 160 jours que dure le cycle du riz. Couchés dans l’eau, les petits germes de riz poussent à l’horizontale. Lorsqu’ils atteignent 1 cm, l’eygadier procède au retrait de l’eau dans les parcelles. Attention, la température ne doit pas être inférieure à 13 °C (pour ne pas que le grain gèle). Avec le soleil et la chaleur, les grains vont se redresser, les racines vont s’enterrer et sortir de la vase. L’eygadier, aussi appelé « éleveur de riz », apprend au riz comment pousser et à quel moment en ajustant sans cesse le niveau de l’eau : la rizière est recouverte de 4 à 10 cm d’eau douce pendant quasiment tout le cycle. Le riz pousse les pieds dans l’eau et la tête au soleil. Sur les 200 kg de grains semés à l’hectare, seulement 100 kg parviendront à maturité.
Tallage et montaison
En poussant, chaque tige va se diviser. Cette opération s’appelle le « tallage ». C’est à ce moment que la Camargue se pare de belles couleurs verdoyantes avec l’arrivée des feuilles sur les tiges. Puis vient la « montaison », l’épi va décoller de la base de la tige et remonter. Il faut compter 100 jours pour aller jusqu’à la fleur (mi août). Le riz s’auto féconde et murit.
Récolte à l’automne
De mi-septembre à fin octobre, les rizières sont asséchées et récoltées. Des moissonneuses batteuses équipées de chenille coupent les épis de riz et séparent les grains de riz, appelés « riz paddy », des tiges qui sont rejetées sur le sol. Les grains de riz sont stockés chez des organismes stockeurs. Le rendement moyen est de 5,5 tommes par hectare (réf 2017).
Le Riz de Camargue en quelques chiffres (année 2017)
80 000 tonnes de riz paddy produit
25 % de la consommation annuelle française
98 % de la production française de riz
2 % de la production européenne
10 % de riziculteurs camarguais sont en agriculture biologique
Poursuivre la visite du riz de Camargue
La route du riz
Depuis quelques années, une signalétique mise en place par Terre de Riz permet de suivre en Camargue l’évolution de la pousse du riz grâce à la « Route du riz ». Baladez-vous et suivez aisément les rizières et principaux sites de production.
Les prémices du riz
Une belle fête agricole à ne pas manquer ! Chaque début d’automne, grand public et professionnels célèbrent les premières récoltes du riz. Plus d’infos sur le site de l’office du tourisme d’Arles.
Plus d’info sur Le Riz de Camargue IGP
Site officiel : http://rizdecamargue.com
Le Syndicat des Riziculteurs de France et Filière – Mas du Sonnailler N°80 – Rte de Gimeaux VC 108 – 13200 ARLES – 04 90 49 82 00 Contact : Monsieur Bertrand MAZEL – Président du Syndicat des Riziculteurs de France et Filière et Président de l’Union des Producteurs Européens.
Bonjour,j’ai lu la totalité de votre article avec intérêt, mais je n’y ai pas trouvé de réponse pour ce qui me préoccupe. On sait que quel que soit le pays, les rizières sont alimentées par de grands fleuves utilisés partout comme des égoûts. La Camargue étant elle-même alimentée par un fleuve qui sert d’égoût à la chimie allemande, par quel miracle serait-il exempt de tout ce que l’on trouve dans ce fleuve? Parce que le Léman servirait d’épurateur? Malheureusement ce n’est pas le cas! Savez-vous par exemple qu’il existe une plage sur le pourtour méditerranéen dont le sable est particulièrement chargé en saloperies chimiques, parce que c’est sur cette plage que les courants méditerranéens envoient principalement l’eau du Rhône? Bien cordialement, GP
Bonjour, je comprends tout à fait vos préoccupations, notamment avec les nombreuses industries qui courent le long du Rhône…
merci pour l’info , à l’heure ou j’écris il y a un rappel de produit sur le riz, à cause de l’oxyde d’ethylène et automatiquement on se demande quel riz acheté , heureusement que j’avais déjà fait ce choix là , mais je me pose la question pourquoi seulement 10% est bio …quels produits utilisent -tils en non bio ? on devrait être informés des pesticides dans le riz de camargue.
le riz de camargue bio est hyper-cher… et donc on prend le non bio … mais je me questionne